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COVID19

Le rôle des écoles dans la deuxième vague

Crédit: CBC/Philip Street

Certains spécialistes et commentateurs blâment la rentrée scolaire pour la deuxième vague, puisque le bilan du Québec s’est mis à augmenter au même moment. Sauf que l’épreuve des faits remet en cause une telle affirmation. Au contraire, il faut plutôt voir les écoles comme un indicateur d’éclosions dans la population et de l’intensité de la propagation communautaire.

Pourquoi les écoles n’ont pas provoqué la deuxième vague

Il y a trois problèmes avec cette affirmation: premièrement, la deuxième vague a pris ses racines autour du 20 août, soit avant la rentrée scolaire; deuxièmement, comme il y a un délai de quelques jours entre le moment où une personne est infectée et sera diagnostiquée, on aurait donc dû voir un décalage de quelques jours entre la rentrée scolaire et la hausse du bilan de la santé publique, ce qui n’est pas le cas, la hausse débutant dès la rentrée; finalement, blâmer seulement les écoles vient exclure l’impact des partys et sorties de fin d’été de plusieurs adultes.

Certains pointeront la hausse des cas chez les jeunes depuis septembre. Cette hausse existe effectivement… dans le bilan! En effet, il faut savoir que les priorités de dépistage ont été modifiées au début d’août, afin de tester davantage dans les écoles et la population en général. On teste donc davantage les jeunes que lors de la première vague, ce qui entraîne un bilan forcément plus élevé chez eux. L’autre différence majeure avec la première vague est le confinement généralisé du printemps: celui-ci aura permis de garder à la maison les enfants. Or, on sait que les jeunes sont non seulement moins à risque de contracter la COVID-19, mais ont aussi plus de chance d’être asymptomatiques ou d’avoir des symptômes légers s’ils en ont. Ainsi, comme les jeunes étaient aussi confinés, il est probable que la majorité de ceux qui l’ont contracté sont simplement passé inaperçus, tout en vivant, de facto, une quarantaine.

En fait, en s’attardant au bilan quotidien depuis la rentrée scolaire, on réalise que le pourcentage de cas positifs chez les 0-19 ans est assez constant, oscillant entre 15 et 20 % à chaque jour, avec quelques pointes à 25 %. Le chiffre peut sembler important, mais il est systématiquement moins important que celui des 20-29 et celui des 30-39 ans, jour après jour. En fait, les 20-39 ans (et même les 20-49 ans) sont ceux qui ont connu le plus de cas au bilan dans la deuxième vague, ce qui tend à confirmer l’hypothèse que les éclosions et la transmission communautaire surviennent lors de sorties et de partys. En parallèle, ayant appris de la première vague, le contrôle de la transmission dans les résidences pour personne âgée est beaucoup plus strict, ayant permis de réduire drastiquement le nombre de cas chez les 60 ans et plus. Dès lors, il est statistiquement évident que le taux (en pourcentage) chez les moins de 60 ans sera plus élevé. Les chiffres sont clairs: les écoles n’ont pas provoqué la deuxième vague et ne font que suivre ce qui se passe dans le reste de la société.

D’où viennent les cas de COVID-19 dans les écoles

Est-ce à dire que les écoles n’ont aucun impact sur la deuxième vague? Non, certaines ont connu des éclosions importantes, forçant leur fermeture, avec les impacts collatéraux sur les familles (parents qui doivent prendre congé du travail, quarantaine, etc.). Mais de façon générale, on compte très peu de cas (souvent trois et moins) dans les écoles touchées par la pandémie, et on compte encore moins de classes ayant dû être fermées le temps d’une quarantaine. Il faut aussi reconnaître que même si chaque école touchée a peu de cas, de plus en plus d’écoles sont touchées, même si la proportion de jeunes ayant la COVID-19 reste sensiblement la même au bilan. Bref, le nombre d’écoles touchées augmente en même temps que la courbe.

Il faut donc savoir d’où viennent ces cas. De façon générale, les jeunes ayant la COVID-19 l’ont contracté à l’extérieur de l’école. Ensuite, les rassemblements d’élèves à l’extérieur des écoles sont actuellement considérés comme la principale cause des quelques éclosions importantes ayant eu lieu dans des écoles. Sur ce point, il faut noter que le gouvernement Legault a décidé d’uniformiser dans la province la consigne aux policiers afin de disperser ces rassemblements. Nous avons donc deux principales sources de cas pour les écoles: des éclosions liées à des rassemblements de jeunes, et une contamination hors-école.

Les écoles, baromètre de la COVID-19

Si on écarte les éclosions liées à des rassemblement et qu’on se concentre sur la deuxième source de cas, on réalise que les écoles sont des baromètres de la propagation de la pandémie au Québec. On sait que la COVID-19 se propage par éclosions et que la majorité des porteurs du virus ne vont pas contaminer d’autres personnes. On sait aussi que les jeunes sont moins à risque de contracter le virus. Ainsi, si une hausse des cas est détectée dans une école, cela signifie qu’on assiste à une éclosion hors-école (dans les familles des élèves), puisqu’il faut suffisamment de cas chez des adultes pour qu’il y ait des enfants qui commencent à être contaminés.

Comme on retrouve des écoles essentiellement partout où il y a des familles au Québec, on réalise que les écoles sont une façon indirecte de suivre la progression de la COVID-19 dans la province. Face à un dépistage qui connait des délais variables d’une région à l’autre, on peut envisager d’utiliser les écoles comme baromètres pour identifier les secteurs prioritaires à tester.