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COVID19

Retour sur les écoles et la propagation de la COVID-19

Cette semaine, un article du journal Métro a fait des vagues. La journaliste Céline Gobert revenait sur une récente étude publiée dans la prestigieuse revue The Lancet. Selon la journaliste, cette étude démontrerait que les écoles sont l’un des principaux lieux de propagation de la COVID-19. Il faut nuancer cette affirmation, l’étude contenant plusieurs limites importantes.

Premièrement, les auteurs notent eux-mêmes deux limites majeures dans leur étude: ils n’ont pas pu tenir compte du respect de l’application des mesures sanitaires par la population; et ils notent que les écoles ont souvent été parmi les premiers lieux fermés, donc que le calcul de leur impact peut être biaisé par le fait que les écoles ont été fermées plus longtemps que d’autres secteurs de l’économie.

Extrait de l’étude de You Li & al, dans The Lancet.

Deuxièmement, l’étude ne définit pas ce qu’est une école. Cela peut sembler anodin, mais il y a des implications potentielles très importantes. Par exemple, est-ce que les universités sont systématiquement incluses ou rejetées? Dans certaines juridictions, l’école commence dès 4 ans, est-ce pris en compte? La question des universités ou des classes de 4 ans peut avoir une différence d’impact très importante, puisqu’on sait que plus on est jeune, moins on a de risque de contracter la COVID-19. De plus, l’étude ne mentionne pas si les écoles qui ont basculé vers l’enseignement à distance sont considérées comme ouvertes ou fermées. Bref, ces questions sont autant de paramètres qui peuvent influencer fortement les résultats d’analyse.

Troisièmement, et en lien avec les limites identifiées par les auteurs, l’étude ne tient pas compte du niveau de mesures sanitaires dans les écoles. C’est aussi un facteur important, car il est évident qu’une école sans mesure sera beaucoup plus à risque qu’une école où il y en a. Quel est le niveau de mesures à partir duquel une école ne présente plus un risque important?

Qu’on se comprenne bien, je ne rejette pas cette étude en bloc. Elle nous offre des réponses très utiles sur la pandémie, ne serait-ce que d’illustrer, chiffres à l’appui, à quoi ressemblerait la situation s’il n’y avait pas de consignes sanitaires en place. On le supposait, mais on ne l’avait pas encore réellement mesuré. À partir de ces chiffres, on pourra donc mieux évaluer l’impact de diverses mesures sanitaires. C’est un travail très utile, il faut seulement bien saisir ses limites.

Ceci étant dit, certains pourraient me taxer de « scepticisme » face à cette étude pour la simple raison que j’ai déjà écrit dans ce blogue qu’il faut voir les écoles comme un baromètre de la propagation du virus, plutôt qu’un amplificateur de la pandémie. Ici aussi, il faut bien comprendre le contexte de mon analyse: elle s’applique uniquement au cas du Québec et ne concerne que les écoles primaires et secondaires. Je ne prétends pas qu’on peut l’extrapoler partout sur la planète. Comme je l’ai laissé entendre plus haut, les mesures sanitaires dans les écoles sanitaires varient d’une juridiction à l’autre. Considérant les limites de l’étude publiée dans The Lancet, notamment sur le fait qu’elle ne tient pas compte des mesures sanitaires, je maintiens donc la validité de mon analyse pour le cas du Québec.

Il est toujours heureux de voir des médias grand public reprendre des études scientifiques et les vulgariser. De cette façon, on rend la science beaucoup plus accessible et on fait avancer le débat public. Mais il faut faire attention de ne pas simplifier ces études: c’est le propre de la science d’avoir des nuances.