Alors que nous sommes en pleine deuxième vague, l’aspect santé publique de la pandémie fait régulièrement les manchettes, tout comme le côté économique, plusieurs commerces ayant dû fermer leurs portes dans les zones rouges du Québec. Or, cet aspect économique comporte un deuxième volet: la relance économique post-COVID. Cette relance ne sera pas propre qu’au Québec et au Canada, elle sera mondiale. À cet égard, il faut donc s’intéresser aux évènements mondiaux qui vont peser sur la relance. L’élection présidentielle américaine du 3 novembre arrive au premier rang de ces évènements.
Même si les probabilités nous donnent une victoire démocrate, toute bonne analyse de risque politique se doit d’évaluer toutes les possibilités, surtout lorsque l’enjeu est aussi important que de venir à bout de la récession économique qui se pointe le bout du nez. On le verra, que ce soit une victoire de Joe Biden ou de Donald Trump, le Québec va devoir se préparer et être proactif.
Entre pandémie et récession économique
Historiquement, les pandémies s’étant étirées sur plusieurs mois auront entraîné des troubles sociaux. On le voit d’ailleurs au Québec, alors que plus le temps passe, plus les contestataires des mesures sanitaires deviennent vocaux. En Europe, l’Italie en est un exemple clair, alors qu’il y a plusieurs manifestations contre les consignes sanitaires. En parallèle, les pandémies entraînent aussi un ralentissement ou une récession économique. De tous temps, la première mesure à laquelle les gouvernements ont eu recours face a une combinaison de troubles sociaux et de troubles économiques fut le recours au protectionnisme, c’est-à-dire favoriser l’économie nationale au détriment des échanges internationaux. Pourquoi? Parce qu’en général, la population réagit positivement lorsqu’on lui offre l’espoir d’améliorer son sort, notamment par la promesse d’emplois.
Se pose alors la question de la récession, notamment son ampleur et combien de temps va-t-elle durer? C’est difficile à prédire dans les deux cas, parce qu’avant la pandémie, l’économie allait bien, mais montrait déjà des signes d’essoufflement. D’ailleurs, de nombreux économistes et experts craignaient l’arrivée d’une récession économique mondiale après une aussi longue période de croissance. Est-ce que l’arrivée de la COVID-19 aura été le coup de grâce? Probablement, d’autant plus que plusieurs États sont officiellement en récession et que les perspectives pour 2020 nous montrent qu’on se dirige vers un creux économique important.
Malgré ce ralentissement brutal de l’économie, il faut noter que plusieurs gouvernements ont des programmes massifs de soutien économique, beaucoup plus que ce qu’on aurait normalement vu pour une « simple » récession. Est-ce que ces programmes seront suffisants pour relancer rapidement l’économie mondiale? Et à quel point l’économie va repartir sur des bases plus saines, puisque plusieurs entreprises et secteurs en difficultés vont disparaître avec la pandémie? Cela va dépendre du niveau de protectionnisme autour de la planète. Nous sommes dans une situation de globalisation, cela signifie que la croissance économique passe par les échanges internationaux. Le protectionnisme venant réduire ses échanges, la reprise économique sera donc ralentie. Mais si les États réussissent à résister à un protectionnisme trop important, en tenant compte des programmes de soutien massifs, la reprise économique pourrait être très rapide, beaucoup plus que celle de la crise de 2008-2009.
À quoi s’attendre de la part de Trump et Biden?
Ce qui nous amène à l’élection présidentielle américaine. En effet, les États-Unis étant la première économie mondiale (ils en représentent 15,75 %), la façon dont leur reprise économique sera gérée aura un impact direct sur le reste de la planète. L’élection présidentielle arrive donc à un moment charnière, puisque le prochain président va entrer en fonction en janvier prochain, lorsque le premier vaccin pour la COVID-19 devrait être connu.
Du côté de Donald Trump, on sait qu’il a déjà versé dans le protectionnisme durant son mandat et qu’il n’a eu aucune difficulté à remettre en cause la relation des États-Unis avec ses plus proches partenaires commerciaux. Face à une montée des troubles sociaux aux États-Unis, en plus des impacts d’une pandémie qui est pour le moment hors de contrôle dans le pays, rien ne laisse présager qu’il va changer d’attitude sur la politique économique américaine. Bien au contraire, le bras de fer qu’il a entrepris avec la Chine avant la pandémie s’est poursuivi, ce qui va nuire à toute concertation entre les deux premières économies mondiales pour la reprise.
Joe Biden de son côté va probablement aussi verser dans le protectionnisme afin de relancer l’économie américaine. En se basant sur ses années sous la présidence de Barack Obama, on peut présumer qu’il va respecter les accords économiques en cours et qu’il voudra rebâtir la relation avec les partenaires des États-Unis. Cependant, l’un des piliers de sa campagne électorale s’articule sur la transition énergétique et la croissance de l’économie verte. S’il réussit à mettre de l’avant cette promesse, on parle de plusieurs chantiers majeurs qui vont être lancés aux États-Unis dans la prochaine décennie. On voit mal comment Joe Biden pourrait « reconstruire » l’économie de son pays sans en faire profiter l’économie américaine en premier, notamment avec le Buy American Act dans le décor.
Si autant M. Trump que M. Biden vont favoriser un certain protectionnisme, quelle est la différence entre les deux? Joe Biden laisse entrevoir un protectionnisme beaucoup moins virulent et, surtout, prévisible. De plus, parce que M. Biden voudra reconstruire la relation des États-Unis avec ses partenaires, il y aura une ouverture réelle pour négocier de bonne foi avec son administration.
L’impact pour le Québec
Tout abord, un constat sans appel s’impose: les États-Unis sont le premier partenaire commercial du Québec (et du Canada). La prospérité économique de la province est donc directement liée à celle des États-Unis, tout comme la prospérité du Canada. Ce n’est pas pour rien que la renégociation de l’ALÉNA et les différents tarifs temporaires imposés par l’administration Trump ont fait couler autant d’encre au nord de la frontière. La perspective d’un protectionnisme américain est donc une menace sérieuse à la reprise économique du Québec.
En parallèle, les autres marchés du Québec vont probablement être aussi touchés par du protectionnisme pour les 3 à 5 prochaines années. Ce sera le cas en Europe, dont l’économie était déjà chancelante avant la pandémie et qui devra en plus digérer les impacts du Brexit. Du côté de l’Asie, il faudra voir l’impact du Partenariat TransPacifique, mais il ne s’agit pas d’un marché très important pour le Québec. De plus, les relations du Canada avec le Chine se détériorant en raison de l’affaire Huawei, cela aura aussi un impact pour la province. Il resterait donc le Mexique, mais ici aussi, la situation sera dépendante de ce qui va se passer avec les États-Unis, en raison de l’ACÉUM.
Que devrait faire le Québec?
Peu importe qui sera élu, le protectionnisme américain sera une menace. La stratégie à privilégier pour le Québec est donc la même dans les deux cas : entretenir le réseau de relations du Québec avec les grandes villes américaines et les États américains, pour s’assurer que dès qu’il y aura des ouvertures économiques, on puisse les exploiter. Évidemment, si Joe Biden est élu, il sera beaucoup plus facile de créer ces ouvertures économiques, à la condition d’être proactif.
En parallèle, une certaine coordination avec les autres provinces et le gouvernement fédéral pourrait permettre de favoriser l’économie locale dans un contexte où l’accès aux marchés mondiaux sera restreint. Il faudra cependant trouver le délicat équilibre entre soutenir son économie sans verser dans un protectionnisme nuisible.