Alors que la deuxième vague est bien enclenchée au Québec, les autorités mettent régulièrement en place de nouvelles mesures sanitaires. Face à une montée des cas positifs de COVID-19, une telle réaction semble aller de soi. Pourtant, plusieurs citoyens, commentateurs et analystes politiques dénoncent ce qui semble être un manque de cohérence entre ces nouvelles mesures et la situation sur le terrain. Qui a raison? Face à un manque de données détaillées, difficile de trancher. Néanmoins, une constatation s’impose: comme pour la première vague, le gouvernement peine à contenir les éclosions “réelles” par manque de ressources et une difficulté à suivre un virus qui se propage de façon quasi-imprévisible.
La stratégie du Québec face à la première vague
Tant dans la première que dans la deuxième vague, on peut constater que la stratégie du Québec pour affronter la COVID-19 est semblable: dépistage ciblé et réduction des conditions favorisant la contamination. Jusqu’ici, rien d’exceptionnel, cette stratégie étant aussi utilisée par plusieurs autres juridictions à travers la planète.
Dans la première vague, la contamination communautaire n’aura été un véritable enjeu qu’à la fin de vague. En effet, la stratégie de dépistage du Québec cherchait à tester les personnes le plus à risque d’avoir été exposée à la COVID-19, stratégie qui a globalement fonctionné, puisque le pourcentage de tests positifs (sur l’ensemble des tests effectués) était parmi les plus élevés dans le monde. Ce dépistage, combiné à un confinement généralisé, a permis de contenir rapidement les éclosions et de limiter le nombre de ces dernières.
Néanmoins, les centres de soins de longue durée (et principalement dans les CHSLD) ont connu une véritable hécatombe. Ces établissements combinaient plusieurs facteurs de risque, notamment qu’ils sont des espaces clos et qu’ils abritent une population nombreuse et particulièrement vulnérable au virus. Cependant, ces résidences sont généralement “isolées” du reste de la société, alors comment expliquer tous les cas qu’on y a retrouvés? C’est ici que la propagation du virus par éclosion entre en jeu: quelques porteurs du virus suffisent pour créer la majorité des cas. On a rapidement réalisés que plusieurs membres du personnel de ces établissements travaillaient dans plusieurs établissements à la fois en raison d’une grave pénurie de personnel. Si l’un d’entre eux était contagieux, il pouvait contaminer plusieurs résidences. En parallèle, les équipements de protection étaient souvent manquant, ce qui rendaient aussi les autres employés vulnérables à ceux qui étaient infectés. Ces autres employés devenant contagieux à leur tour et travaillant dans plusieurs établissements, ils ont donc créé de nouvelles éclosions. Éventuellement, des consignes pour interdire ce type de mouvement de personnel ont été mises en place, mais sans réussir à l’empêcher complètement.
La maîtrise de la situation dans les CHSLD a coïncidé avec trois autres évènements majeurs dans le déroulement de la pandémie: l’arrivée de l’été, un approvisionnement stabilisé en équipements de protection, et le déconfinement du Québec. Or, malgré le déconfinement, l’été aura connu très peu de cas et ce n’est qu’à l’automne que la deuxième vague débutera. Pourquoi? Avec l’été, les activités extérieures sont plus populaires, ce qui permet de réduire l’exposition dans les espaces clos et facilite la distanciation. De plus, certaines maladies, comme l’influenza, qui peuvent empirer les effets de la COVID sont moins présentes l’été. Le Québec aura aussi recommandé ou imposé plusieurs normes sanitaires pour encadrer le déconfinement, notamment le lavage des mains dans les lieux publics, la distanciation obligatoire et, après plusieurs tergiversations, le port du masque dans les lieux publics intérieurs. Ces éléments auront permis de diminuer le nombre d’éclosions et de contrôler plus facilement celles qui survenaient.
Le Québec face à la deuxième vague
Puis arrive l’automne et la deuxième vague, plus sévère au Québec que dans la majorité des provinces canadiennes. Comment expliquer cette différence? En l’absence de données sur la nature des éclosions, il est difficile de trouver un “coupable”. Néanmoins, les données générales et plusieurs témoignages dans les médias nous permettent d’arriver à la conclusion qu’un manque de ressources, notamment pour le dépistage, combiné à un retard pour déployer des mesures sanitaires sont à blâmer, associé à un certain relâchement de la population.
En tenant compte des retards dans le dépistage qui ont été rapportées dans plusieurs régions, on peut présumer que les premiers cas des éclosions détectées auront débuté, en moyenne, 10 jours plus tôt. De même, si on regarde la courbe de la deuxième vague, on constate une hausse soutenue au 1er septembre dans les chiffres de l’INSPQ. Donc, si on recule de 10 jours, la deuxième vague aurait débuté autour du 20 août. Cela correspond à la période de la pré-rentrée automnale, où plusieurs vont prendre leurs dernières vacances estivales, faire leur dernier party de l’été. C’est probablement à l’occasion de ces partys (dans les maisons ou dans les bars) et sorties que plusieurs éclosions auront pris naissance. D’ailleurs, les autorités rappelaient à l’époque qu’il y avait plusieurs cas liés à de tels évènements.
Le gouvernement aura fini par mettre en place un système de code de couleurs pour déterminer l’intensité de la pandémie dans une région donnée, ainsi que les consignes sanitaires supplémentaires à y déployer. Cependant, ce code a été initialement déployé de façon inégale (les mesures d’un niveau de couleur n’étant pas systématiquement déployée) et parfois avec du retard. De même, alors que le gouvernement était le premier à reconnaître que le bilan du jour découlait de la situation connu 10 à 14 jours plus tôt, il semble avoir attendu au dernier moment pour déployer des mesures sanitaires plus strictes, en plus d’avoir débattu longtemps sur les moyens juridiques pour faire respecter les consignes sanitaires et contenir la montée des conspirationnistes. En parallèle, le dépistage a connu (et connait toujours) des ratés, alors que la pénurie de personnel dans les hôpitaux restent exacerbée. D’ailleurs, cette pénurie se fait sentir sur le dépistage aussi, puisque de plus en plus de personnes se font tester, mais qu’il y a un manque de personnels sur ce point.. Considérant que sur plusieurs des ces points, d’autres provinces canadiennes (notamment l’Ontario) ont agit beaucoup plus rapidement, on peut légitimement se questionner à savoir si le gouvernement a trouvé le bon équilibre entre santé publique et économie.
Néanmoins, le confinement partiel jusqu’au 28 octobre dans les zones rouges commence à donner des fruits, puisque la hausse des cas et des hospitalisations ralentie. Reste à voir si les Québécois seront “disciplinées” durant le long weekend de l’Action de grâce, auquel cas on pourrait bien voir la deuxième vague être brisée.
En conclusion
Bref, on réalise qu’autant pour la première que la deuxième vague, la stratégie du Québec a été mise à rude épreuve en raison d’un manque de ressources, manque qui n’est que tardivement compensée par l’implantation de nouvelles mesures et consignes. Que faire? Il faut être réaliste: un relâchement des consignes sur les rassemblements pour le 28 octobre n’arrivera pas. Les délais pour le dépistage font qu’on peut seulement espérer que la courbe sera au début de sa baisse pour cette date. Donc, au mieux, on assistera à une réduction marquée de la courbe autour de la mi-novembre. De la même façon, dans le meilleur des cas, la vaccination contre la COVID-19 ne débutera pas avant la fin du printemps prochain, en tenant compte des essais cliniques restants sur les vaccins les plus prometteurs, suivi des délais pour leur approbation, en plus de ceux pour la fabrication et la distribution des premières doses.
Ainsi, le Québec n’a pas d’autre choix que de maintenir des restrictions sur les rassemblements et recentrer sa stratégie de dépistage sur les lieux et populations propices aux éclosions pour encore plusieurs mois. À cet égard, revoir le critère “d’éclosion” de la province pourrait être judicieux, puisque dès qu’il y a deux cas, on considère qu’on a une éclosion et on déploie plusieurs mesures pour l’endiguer. Or, considérant que le facteur k de la pandémie est très bas, il s’agit ici de tuer une mouche avec un bazooka, puisque la très forte majorité de ces éclosions vont naturellement s’éteindre, sans faire plus de cas. Dans un contexte où les ressources manquent, s’attaquer à ces “fausses” éclosions devient contreproductif.
De même, la population a un rôle essentiel à jouer: malgré la fatigue après sept mois de pandémie, elle se doit de rester vigilante et de ne pas baisser sa garde, notamment en respectant les consignes sanitaires. Il ne faut pas chercher à trouver les failles dans les consignes sanitaires afin de les contourner “légalement”, mais bien d’en respecter l’esprit général: pas de rassemblement sociaux inutiles et maintenir la distanciation physique. Ce n’est pas juste une question de gros bon sens, mais aussi de vie ou de mort.